Luxe 3.0 : vers un nouveau cosmos ?

logomania

 

Toujours en mutation, le secteur du luxe s’apprête à prendre un tournant majeur. Après une décennie riche en défis, en polémiques et en prises de position - parfois inattendues - le luxe tend en effet à adopter un nouveau visage, un positionnement plus affirmé, plus en adéquation avec l’air du temps.

Bilan de ces dix dernières années

LA SLOW FASHION

  Le luxe 2.0 marque un retour aux sources nécessaire après des années 2000 au goût de vitesse et d’excès. Désormais, on chine ses pièces sur des plateformes de seconde-main comme Vide Dressing ou Vestiaire Collective.  

 

On délaisse aussi la cosmétique truffée de substances douteuses pour des compositions ultra-clean, des packagings plus épurés, à l’image de Tata Harper, Antipodes ou Aesop.

le retour en force des decennies precedentes

 Le luxe était au revival des années 60, 70 80, 90 et même 2000. Si les marques jouaient jusqu’ici le jeu du retro à coeur joie, elles semblent désormais s’imprégner de leurs propres codes passés, à l’image de Fendi et Dior qui remettent la tendance de la logomania au goût du jour.

 

Cette frénésie, datant des années 1990, retrouve ici ses lettres de noblesse, alors qu’elle était jugée cheap il y a encore quelques saisons.

LA "CONSCIENTISATION" POLITIQUE DES MARQUES

La contestation, voire la rébellion et le renversement des codes établis était au rendez-vous.

 

En 2017, les défilés post-Brexit et éléction américaine ont vu leurs podiums inondés de messages contestataires, adressés plus ou moins subtilement aux politiques américains et britanniques.

 

De même en 2018 après la déferlante #Metoo, qui a replacé les scandales et les abus dans le monde de la mode au centre de toutes les attentions.

LA MONTEE EN PUISSANCE DES SUBCULTURES/ CULTURES ETHNIQUES

En témoigne par exemple la présence de figures majeures du Hip-Hop sur le devant des catwalks comme Kanye West avec sa griffe Yeezy.

 

Se pose également la question de l’appropriation culturelle chez les grands couturiers, qui n’ont pas fini d’être la proie de la controverse.

S’il ne s’agit que d’une liste exhaustive, ces vagues laissent présager un futur différent et différenciant pour le secteur.

 

A noter, l’arrivée fracassante du digital, qui non content d’avoir révolutionné le retail, poursuit sur sa lancée et redéfinit actuellement l'expérience client des adeptes du luxe.

Nos pronostics pour le luxe 3.0

l'eclosion de nouveaux modeles

L’univers du luxe est-il résolument figé avec les mêmes décideurs, les mêmes acteurs, les mêmes marques et les mêmes égéries ?

 

Il semblerait que la disruption pointe le bout de son nez et qu’une ère toute entière s’apprête à expirer. Et pour cause, Rihanna s’apprête à donner vie à sa propre griffe de luxe avec LVMH. Tout récemment LVMH s’est affranchi du modèle presque antique qui fait l’apanage des maisons de luxe.

 

L’identité de ces dernières, a en effet toujours reposé sur un cocktail de caractéristiques fondamentales :

  • La dimension familiale, voire dynastique de la direction
  • Une fortune lentement acquise au fil des décennies
  • Une histoire aux accents presque mythologiques
  • Une forte appartenance territoriale (lieux mythiques, grandes maisons familiales…)  

 

En signant Rihanna, LVMH s’apprête peut être à créer une nouvelle légende, construite autour d’une icône starifiée et adulée.  

 

On est bien loin de la jeune Coco chapelière ou de Thierry Hermès, maître-artisan sellier, qui ont avant tout été valorisés pour leur artisanat.

Il s’agit là d’un pari audacieux et innovant pour Bernard Arnault, qui permet à la jeune business-woman de briser les codes du groupe en devenant à la fois inspiratrice (créative) et dirigeante de la marque. Plus de distinction, donc, entre le pôle créatif et le pôle commercial. Une entrée remarquable et remarquée.

LE POUVOIR AUX CENTENNIALS

Puisqu’ils maîtrisent pour la plupart l’univers du digital et ses codes, très précis, les centennials feront la pluie et le beau temps du luxe.

 

D’ici 2020 à 2030, la génération Z bénéficiera en effet d’un pouvoir d’achat suffisant pour prévoir prétendre au statut d’adepte.

 

Il ne suffit que d’un post ou d’un tweet bien placé pour faire couler les plus grands, comme l’atteste la plume acérée du compte Instagram @DietPrada

 

Justicier d’un nouveau genre, ce duo anonyme s’applique à épingler les créateurs de mode controversés (copie, contrefaçon, plagiat) sur la place publique.

 

C’est avec cette pratique fondée sur le “shaming” que DietPrada séduit le coeur de la génération Z, toujours en quête de transparence et de vérité.

 

Là où les lois de la mode s’arrêtent commencent celles édictées par la communauté. Le pouvoir digital des internautes dépasserait-il celui des simples critiques de mode ?

Gare aux faux-pas, donc, car pour séduire la cible très exigeante qu’est la génération Z, le luxe va devoir prendre son courage à deux mains, et adopter des valeurs plus signifiantes et sincères. Ethique et engagement devront être au rendez-vous.

la chine au centre de toutes les attentions

Conscientes du pouvoir d’achat grandissant des nouvelles générations chinoises - toutefois bien souvent soutenues par leurs parents - les marques se précipitent sur le marché et redoublent d’ingéniosité pour séduire une clientèle très exigeante.

 

 La clé pour réussir à s’implanter ? Une stratégie repensée pour les potentiels acheteurs locaux, phygitale et omnicanale, en synergie parfaite avec le new retail, modèle chinois par excellence.

 

Quelques bons élèves, dont le succès pérenne semble assuré d’ici 2020 :

  • Les grands groupes, Kering et LVMH, qui sont aujourd’hui prêtes à faire confiance aux plateformes de e-commerce chinoises, notamment pour les cosmétiques et la parfumerie. Toutefois, les griffes de luxe souhaitent garder leur identité et leur service haut-de-gamme en ligne avec un haut niveau de qualité, comme en boutique physique.

A venir donc, une redéfinition complète des business models, une place de choix accordée à l’opinion de la nouvelle génération, et l’avènement de la Chine en tant que haut-lieu du luxe.

 

Jusqu’ici, le secteur se contentait de faire preuve d’un simple mimétisme quant aux mutations de la société et ce, principalement occidentale.

Avec l’apparition de nouveaux acteurs sur le devant de la scène, on assiste à une redistribution des cartes, sinon à la mise en place d’un nouveau jeu dont l’arbitrage n’appartient plus entièrement aux happy few.

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