Réinventer la file d'attente : le nouvel enjeu post-confinement

Si attendre n’a jamais été la tasse de thé des français, le fait de patienter désespérément fait désormais partie de notre quotidien.

 

A vrai dire, le concept même de file d’attente s’est vu bouleversé et actualisé lors du confinement. Pourquoi attendons-nous et surtout, pour quoi ?

 

Allons-nous continuer de faire l’effort d’attendre alors que notre société même repose sur un modèle d’instantanéité ? L’ère post-confinement mettra t-elle notre patience à l’épreuve ?

 

Réapprendre à attendre

 

Personne n’aime attendre, et encore moins pour des achats de première nécessité.

 

Pourtant, les consommateurs français ont dû prendre leur mal en patience durant le confinement et affronter les files tortueuses formées devant leurs commerces de proximité dans l’espoir de pouvoir trouver un paquet de farine ou quelques maigres rouleaux de papier toilette.

 

Aujourd’hui, un mois après le déconfinement, cette habitude semble s’être ancrée dans la vie quotidienne des français, qui en oublieraient presque ce pourquoi ils piétinent.

 

Attendre ne va en effet pas de soi dans notre société où tout se trouve à notre portée immédiate.

 

Les drive, les livraisons Amazon en 2h ou tout simplement l’utilisation de la 4G ont fait de nous des boules d’impatience, rendant toute forme de frustration d’autant plus irritante.

 

D’autre part, la file d’attente, en plus de constituer une contrainte de temps notable, s’inscrit comme une contrainte sociale supplémentaire.

 

En effet, la file s’inscrit comme la forme la plus concentrée de microsociété, avec sa manière de s’auto-réguler et d’établir des normes par le contrôle collectif.

 

Celui ou celle qui ne respecte pas l’attente se voit jugé et contraint par autrui à se plier à la règle.

 

Paradoxalement, la file d’attente a aussi été une des rares manières de se socialiser - autre que via le digital - et de garder le lien avec l'extérieur.

 

La file d’attente 2.0

 

La file d’attente 2.0, contrairement à son ancêtre pré-confinement, comporte des règles et des gestes normés et normalisés :

 

  • Une contrainte spatiale : Distanciation d’1m, marquage au sol.
  • Une contrainte temporelle : Durée augmentée, filtrage aux portes.
  • Une contrainte matérielle : Port du masque obligatoire, gel hydroalcoolique fourni à l’entrée de chaque commerce.
  • Une contrainte organisationnelle : Prise de rendez-vous, courses uniquement par Drive.
  • Une contrainte sociale : Des vitres dressées entre les commerçants et les clients, une réduction des contacts…

 

Le confinement a donc ainsi vu naître une nouvelle pratique, un nouveau rituel sociétal parfois remis en question par les consommateurs.

 

Est-ce par exemple bien nécessaire de fournir cet effort pour acheter quelques robes d’été chez Zara, à peine le confinement levé ? Un tee-shirt en coton a t-il moins de valeur qu’un paquet de pâtes sèches ? Quels biens de consommation sont-nécessaires et essentiels ?

 

La réponse à ces questions est laissée à l’appréciation de chacun selon l’âge, le pouvoir d’achat, la philosophie et le style de vie.

 

L’irrésistible ascension du digital

 

L’optimisation du temps et plus que jamais au centre de nos préoccupations. Et pour cause, la normalisation des files d’attente a enclenché l’avènement des applications coupe-file comme celle de Monoprix ou celle de Lineberty qui propose même une version spéciale Covid-19.

 

D’autres encore ont pris en compte toutes les contraintes liées au virus pour proposer des applications innovantes. C’est le cas de Jeremy Coxet, qui en quelques jours seulement après le début du confinement, a lancé Smart Phil, une application de virtualisation de la file d’attente.

 

Le but ? Eviter tous les contacts inutiles et potentiellement dangereux de la file d’attente physique pour permettre à chacun de patienter tranquillement à distance ou dans sa voiture.

 

Sur le même principe que les tickets numérotés, l’application Dyvia, quant à elle propose également d’accompagner les consommateurs durant leur shopping et de leur faciliter l’accès aux commerces.

 

Tout est donc mis en oeuvre pour que le consommateur post-confinement rencontre le moins d’irritants possibles sur son parcours. Cependant, la frustration n’est-elle pas nécessaire pour apprécier l’objet de son attente ?

 

Qu’il s’agisse d’acheter un jean chez H&M, une passoire chez Monoprix ou encore tout simplement une baguette de pain chez le boulanger du coin, la file d’attente remet nos véritables besoins en question et nous invite à réfléchir sur la notion de nécessité.

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